TALDIR : Troisième Grand-Druide

L’affaire Taldir, de 1944 à 1947, fut une atteinte portée à la vie et à l’existence même du Gorsedd. On a pu y voir un mauvais coup asséné à une association hautement digne de respect, modérée dans ses choix politiques et dans sa réalité quotidienne.

Le Gorsedd avait été en sommeil du 1er septembre 1939 au 8 mai 1940. Ainsi le veut la tradition qui interdit toute réunion de l’Assemblée druidique pendant les guerres. La paix est nécessaire pour une tenue sereine des fêtes et des cérémonies. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, on n’eut qu’à se féliciter de cette règle. En effet, la Goursez de Bretagne est partie intégrante du Gorsedd, qui regroupe avec des Bretons, des Gallois et des Corniques. Il était donc impensable que les uns fussent opposés aux autres sous l’Occupation allemande de la Bretagne. Il était par ailleurs impossible de maintenir les relations : la seule solution était donc l’abstention complète.

Le Grand-Druide Taldir s’efforça de maintenir cette neutralité de la Gorsedd et respecta la vacance de l’institution. Par ailleurs, il participa à la vie du pays pendant toute la durée des hostilités. Sans prendre de parti politique, il se retrouva au Comité Consultatif de Bretagne, qui défendait les intérêts de la Bretagne auprès du pouvoir politique. Il respectait le Marféchal Pétain, mais il trouva bien long la mise en application des réformes promises et jamais tenues, et n’hésita pas à le dire.

Son gendre Le Stum appartint à la Résistance et lui confia à plusieurs reprises des informations secrètes sur le fonctionnement du maquis, sans que jamais sa confiance ne fut trahi. D’ailleurs Taldir était d’une morale trop haute pour s’abaisser à des trahisons, même à l’égard de ses ennemis.

Taldir cependant avait un ennemi mortel en la personne de Baudet-Germain, secrétaire général de la Préfecture Régionale de Rennes. Etant donné ses fonctions, Baudet-Germain avait participé activement à la politique de collaboration, prônée par Pétain. il avait notamment contribué à la poursuite et à l’extermination des Juifs. Il est évident que Delphin Jacob, oncle de Max Jacob, qui demeurait 70, quai de l’Odet à Quimper,  avait été déporté sur son ordre  pour mourir à Auschwitz.

Baudet-Germain, pourtant Breton, dit-on, était un anti-Breton notoire qui s’opposait à toutes les nuances de la pensée bretonne. Désireux sans doute de se dédouaner, il prépara, vers la fin de l’Occupation, une opération qui devait lui valoir la reconnaissance du Gaullisme, en même temps qu’elle condamnait un bouc émissaire.

Taldir avait été arrêté au début du mois d’août 44 sur la simple inculpation d’avoir été bretonnant. Il fut rapidement mis hors de cause par le tribunal composé de FTP qui l’acquitèrent et le reconduisirent même chez lui. C’est alors qu’intervint Baudet-Germain. Arrêté une deuxième fois, par la justice gaulliste, c’est-à-dire par la justice de Pétain passée au gaullisme, reconnue par lui et installée comme juge des citoyens qui, eux, n’avaient pas juré fidélité au Maréchal, il fut conduit à la prison de Quimper en internement administratif.

En 1945, il fut jugé par la Cour de Justice de Quimper. On lui reprochait d’avoir vendu des Résistants, ceux-là même qui l’avaient acquittés dix mois plus tôt. L’accusateur était Baudet-Germain. Il disait avoir reçu une lettre de Taldir, vers novembre 1943, lui dénonçant un groupe de résistants ainsi que deux individus, Gourvil et Le Goaziou. Malheureusement, il avait brûlé la lettre. Heureusement il avait provoqué une enquête à ce sujet et l’avait remis aux Renseignements Généraux de Quimper. ceux-ci étaient violemment anti-autonomistes, anti-communistes et antigaullistes, comme Baudet-Germain. L’enquête conclut à la dénonciation. Malheureusement, la copie de la lettre première disparut entre les mains du Commissaire Soutif. Celui-ci disparut lui-même à la Libération et fut condamné par contumace à 20 ans de Travaux Forcés. Le Commissaire Riant, qui avait établi le faux rapport, disparut à la Libération et ne fut jamais retrouvé. Le Commissaire       Le Goff déclara que tout ce qui avait été affirmé contre Taldir dans le rapport des Renseignements Généraux était faux.

Taldir n’en fut pas moins condamné à cinq ans de prison. Un écrivain juif de renom, Leo Perutz, qui avait été soutenu et reçu au Gorsedd par Taldir en 1927, écrivit au Général de Gaulle, pour obtenir sa liberté. Il fut grâcié au bout de deux ans et demi et libéré.

Taldir était innocent, en dépit du jugement de la Cour de Justice qui n’avait rien démontré et qui avait subi la pression du Président Chauvin. Ce magistrat avait juré fidélité au Maréchal Pétain et cherchait lui aussi à se dédouaner. Le Mouvement Breton servait de bouc émissaire.