TROMENIE DE LA GORSEDD

A la suite des travaux de Joseph Loth dans les années 20 puis de Donatien Laurent plus récemment, le caractère premier, celtique et druidique de la Troménie a été enfin reconnu.

La Troménie apparaît en effet basée sur le calendrier celtique mis au point par les Druides, dont un exemplaire a été découvert à Coligny dans l’Ain en 1897.

Le rituel de la Gorsedd s’inspire ainsi de ceux qu’elle utilise à l’occasion des fêtes cardinales celtiques, des équinoxes et des solstices.

Il va également évoquer les anciens dieux et déesses celtiques, sous leurs noms bretons correspondant pour nous à leurs noms gaulois.

Une attention particulière est apportée à Cernunnos/Kronan et Epona/Keben en raison de leur fonction à tous deux comme divinités de la fertilité, de la fécondité et de l’abondance, facultés toujours reconnues et honorées de nos jours même par les pèlerins catholiques.

Kronan régnait également sur le Mont St Michel de Brasparts dont l’ancien nom était Menez Kronan, c’est à dire la Montagne de Kronan.

Il y a une proximité phonétique évidente entre Kronan et Ronan ; quant à Keben c’est par la Kazeg Vaen qu’elle illustre les fonctionnalités d’Epona dont le nom signifie jument en gaulois.

Le nom de Keben rappelle également le breton kenep ou keneb, c’est à dire la jument pleine.

Epona est la seule déesse qui fut intégrée au calendrier officiel de l’Empire Romain. C’est dire l’importance reconnue de son culte bien au delà des territoires occupés par les Celtes.

Il est important de mettre en lumière la présence visible et sonore de la Corne : la Corne du bœuf attelé au char funèbre de Ronan, la Corne qui résonne dans Lokorn, le nom breton de Locronan, et c’est à Plas ar C’horn un des lieux les plus élevés qu’est enterré Ronan.

L’un des attributs de Cernunnos comme d’Epona est la Corne d’Abondance, symbole de fertilité et de richesse. En tapant sur la Corne du bœuf, Keben refuse la récupération par Ronan de cet important symbole de la puissance fécondante de la Nature.

C’est un enjeu de pouvoir pour la maîtrise du lieu, du sanctuaire de la Fécondité, de l’énergie vitale.

En fin de compte, en étant engloutie par la Terre en un lieu à peu près aussi élevé que celui où repose Ronan, Keben affirme sa puissance, au moins égale à celle de son adversaire.

L’emplacement mythique des deux tombes des héros de la Légende forme les angles de la base méridionale du grand quadrilatère de la Troménie.

La diagonale Sud Ouest /Nord Est divisant en 2 le parcours de la Troménie est solidement encadrée en son début et sa fin par Keben :  Kernevez au Nord Est est le lieu de sa demeure terrestre et Kroaz Keben au Sud Ouest celui de sa dernière demeure.

Cette présence très prégnante assure l’équilibre et traduit le rapport de force entre l’ancienne croyance et le christianisme. La Troménie est en effet un pèlerinage syncrétiste : l’Eglise a préféré intégrer ce qu’elle ne parvenait pas à éradiquer.

L’importance de l’élément féminin est encore marqué par la station du coin Nord Ouest du grand quadrilatère, station consacrée à Ste Anne la Palud, dédicace sous laquelle transparaît la Grande Déesse Mère des Celtes, Ana. Ronan se trouve donc sous la haute surveillance des anciennes divinités !

Pour la Gorsedd, ce parcours qui reprend et récapitule toute l’année celtique est un magnifique résumé de doctrine. Dans un courant traditionnel qui répugne à l’écriture, la Troménie est l’équivalent d’un grand livre ouvert.

En ayant lieu tous les 6 ans, comme le nombre de lustres composant le siècle celtique de trente ans,  la Troménie synthétise toute une vie.

En suivant la marche du Soleil qui inonde le monde de sa Lumière, nous sommes à la recherche d’une harmonie avec le cycle du temps, des saisons, à la recherche également d’un équilibre ou du Juste Milieu entre des principes opposés mais qui se complètent et se définissent également l’un par l’autre ; haut/bas, clair/obscur, masculin/féminin, fin/début etc…

Enfin au delà de ces jalons d’interprétation, c’est avant tout une aventure mystique et initiatique, un événement à vivre, à éprouver car c’est nous-mêmes finalement qui nous transformons et nous découvrons dans ce parcours contrasté.

Ra vo gwenn ho ped !

/I\ Morgan

6ved Drouiz Meur Breizh